Inspirations

La théorie de la fiction-panier

Dans le court texte intitulé The Carrier Bag Theory of Fiction, l’autrice de Science Fiction Ursula K. Le Guin met en question l’histoire officielle, où l’universel est le nom donné à la violence des héros et des vainqueurs. Cette histoire est le récit d’un conflit et l’existence y est perçue comme une lutte, la vie comme un combat. Tout y est formulé en termes de défaites et de victoires. C’est l’Histoire de la domination, l’Histoire de l’Ascension de l’Homme Héros, que Le Guin appelle aussi « l’histoire qui tue » :

« celle-là, on la connaît, tous nous savons tout ce qu’il y a à savoir sur tous les gourdins, javelots, cimeterres, tout ce qui assomme, transperce et frappe, toutes ces choses longues et dures »

Il nous faut désapprendre les enseignements du Héros, aux côtés de désenseignantes, de désinstructrices, de déconquérantes. Il nous faut ouvrir des pistes pour changer le cadre théorique de l’écriture de l’histoire, afin de contrevenir à l’hégémonie du Grand Récit, si bruyant qu’il nous réduit au silence, afin de lutter contre l’oubli organisé des existences.

Il est urgent de chercher la nature, le sujet et les mots de l’autre histoire, de l’« histoire vivante » dont parle Le Guin, en déployant des récits et des chants enchevêtrés, acentriques, polyphoniques, sans héros ni héroïsme, soucieux du réel et des vivants.

Cliquez ici pour lire l’ensemble du texte paru sur The Anarchist Library

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La bouche de Krishna

Un jour, enfant, Krishna est accusé d’avoir avalé de la terre et de la poussière. Sa mère Yashoda vient alors vers lui pour le disputer, mais il dément ses dires. Elle exige alors de vérifier. Lorsqu’elle regarde dans la bouche de son fils, Yashoda, ahurie, y voit les étoiles et les planètes, les terres et les mers ainsi que les vivants qu’elles abritent. Il n’y manque pas un caillou, pas une racine, pas une créature, un village ou une galaxie : c’est l’univers entier, dans toute son intensité, qui se trouve dans la bouche de Krishna. De cette légende hindouiste, les photographes espagnol·e·s Anna Cabrera et Ángel Albarrán ont réalisé une série appelée The Mouth of Krishna. Leurs photographies, saisissantes par leur poésie, font émerger dans les ouvertures et les intervalles des rêveries fourmillantes et animées, fissurant l’ordre des choses : par des rêveries suggestives, elles explorent l’intensité de la matière, du vivant et de la mémoire.

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Ici, la Béringie

Ici, la Béringie, paru aux Éditions de l’Ogre en mai 2021, est le premier roman de Jeremie Brugidou, docteur en études cinématographiques et cinéaste, artiste-chercheur naviguant entre l’esthétique, l’anthropologie, l’éthologie et l’écosophie. Suivant la trace d’une de ses obsessions marines, il nous invite à entremêler nos rêves avec ceux, passés et futurs, du détroit de Béring. Cette bouleversante aventure romanesque reprend les codes de la fantaisie, du récit d’exploration et du carnet de terrain, pour interroger les relations que nous entretenons avec les vivants et les lieux, en cette période marquée par la crise environnementale, sociale et politique. Inventant des noms et chantonnant des cartes – celles, réelles et fictives, de la Béringie, du détroit de Béring, du Beringia Park – le roman tient lieu de véritable panier d’idées, de rêves et d’histoires, pour tenter de saisir cette terre fantôme qui sommeille dans les profondeurs submergées.

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